La circulaire du cordon est un motif de césarienne fréquemment invoqué.
Cette vidéo illustre pourtant, de façon merveilleuse, que cette raison est peut-être parfois invoquée à tort. Excuse facile pour justifier une chirurgie majeure pas forcément facile à accepter pour la maman, prétexte pour accélérer le processus de l’accouchement (pas la peine d’essayer de pousser, ce serait dangereux), manque de confiance dans les processus physiologiques et en la force des mamans et des bébés, ou peur des praticiens qui se heurtent à leurs propres limites, au manque de transmission auquel ils sont confrontés et au fonctionnement de la société de plus en plus procédurière.
Ici, on voit donc une maman accoucher en milieu hospitalier, par voie basse et en position physiologique (accroupie) d’un bébé avec… quintuple circulaire : oui vous avez bien lu, 5 TOURS DE CORDON! Sans précipitation ni panique, et avec beaucoup d’amour, de bienveillance et de respect, le bébé est accueilli et on lui laisse le temps d’arriver.
La vie est sage et nos corps sont parfaits!! Tout a été prévu pour la survie de l’humain. Si seulement nous avions un peu plus confiance en cette mécanique ancestrale et un peu plus conscience des processus physiologiques pour ne pas les perturber.
En tant que femmes, nous baignons dans la répression sexuelle depuis déjà plusieurs siècles. Cela signifie que nous considérons le corps vil et impudique, les pulsions sexuelles malignes et la totalité des sensations corporelles indésirables. A quel moment apprenons-nous qu’il n’y a de place ni pour le corps ni pour le plaisir ? Au moment même de la naissance. Quelques secondes après avoir vu le jour, nous cessons d’être touchés. Nous perdons le contact continu du paradis utérin. Nous naissons de mères réprimées par des générations de femmes, elles-mêmes encore davantage réprimées, rigides, congelées, dures, paralysées et réticentes à caresser. Alors, l’instinct maternel se détériore, se perd, s’estompe.
Dans ce contexte, sous le poids de siècles de Patriarcat, éloignées de notre syntonie intérieure, nous ne voulons pas accoucher. C’est logique : comme nos utérus sont rigides, ils nous font mal. Notre ventre est blindé et nos bras se défendent. Nous n’avons été ni étreintes, ni bercées par nos mères, parce qu’elles-mêmes n’ont pas été cajolées par nos grands-mères et ainsi, de génération en génération, les femmes ont perdu tout vestige de rondeur féminine. Alors, quand vient le moment d’accoucher, notre corps entier nous fait mal à cause de l’inflexibilité, de la soumission, du manque de rythme et de caresses. Nous haïssons depuis des temps reculés ce corps qui saigne, qui change, qui ovule, qui se tache et qui est indocile.
Il est important de réaliser qu’au-delà de la soumission et de la répression sexuelle historique, nous accouchons en captivité. Depuis un siècle –au fur et à mesure que nous avons intégré le monde du travail, les universités et tous les circuits d’échange public-, nous avons cédé l’ultime bastion du pouvoir féminin : l’accouchement. Il ne nous reste même plus ce petit coin de sagesse ancestrale féminine. C’est terminé. Il n’y a plus de scène d’accouchement. Désormais il y a la technologie. Des machines. Des hommes. Des temps programmés. Des perfusions de drogues. Des piqûres. Des courroies. Des rasages. Des tortures. Du silence. Des menaces. Des résultats. Des regards invasifs. Et de la peur, bien sûr. La peur réapparaît au sein de l’unique refuge auquel les hommes, durant des siècles, n’ont eu qu’un accès restreint. Oui, nous avons même abandonné cette grotte intime. Avoir livré nos accouchements équivaut à avoir vendu l’âme féminine au diable. Aujourd’hui, si récupérer le plaisir orgasmique des accouchements nous intéresse et si nous assumons la puissance que nous pouvons déployer si ceux-ci nous appartiennent à nouveau, alors c’est à nous en tant que femmes de nous mobiliser et d’agir.
-Laura Gutman-
Newsletter de Laura Gutman, Février 2011 ~ Traduction Brigitte Rietzler // Temesira
La naissance du bébé de Kate & William est imminente. La date du terme originellement (certes non-officiellement) annoncée était le 13 Juillet. Elle est dépassée d’une semaine. So what ?
Peut-être Kate n’a-t-elle pas dévoilé la “vraie” date du terme ? C’eût été son droit, histoire de se protéger et s’épargner une pression difficile à supporter en fin de grossesse, se donner quelques jours de répit alors que le monde entier serait aux aguets. Pourtant, on voit bien que c’est peine perdue. L’excitation est à son comble et les spéculations vont bon train. Les journalistes sont sur le qui-vive et les lecteurs de tabloids bouillent et trépignent : une véritable fièvre mondiale qui fait monter la chaleur estivale d’un cran. Même Camilla et la Reine Elizabeth ne cachent plus leur impatience.
L’attente dans nos sociétés occidentales du “tout-tout de suite”, n’est pas chose facile. Nous ne savons plus être en fluidité avec le temps, les rythmes de vie, pour accepter en lâchant prise ces jours et ces secondes qui passent, riches d’enseignements et propices à la maturation. Oui, ces espaces temporels que sont les transitions sont sans cesse tronqués, manipulés, accélérés.
Qui a dit que les transitions étaient faciles à vivre ? Moments suspendus, fragiles, où surgit l’inconfort et où nos vulnérabilités sont mises à jour. Où l’on semble parfois perdre pied, et cherchons des repères qui sont en réalité à trouver par nous-mêmes, à réinventer. Moments délicats, qui préfigurent les grandes transformations intérieures, dans lesquels s’immiscent le doute, l’envie de fuir et qui nécessitent une présence à soi et à l’instant la plus entière et la plus authentique qui soit, des espaces de silence pour écouter notre voix intérieure, une patience bienveillante, et parfois un accompagnement aimant pour traverser ces mues le plus respectueusement et le plus harmonieusement possible et pouvoir ainsi accueillir le nouveau et …naître, ou renaître.
On semble bel et bien avoir oublié qu’une naissance n’est pas un instant t, mais bien un processus, un passage, avec son avant et son après, avec toute sa gamme de transitions, de reculs et d’avancées, de transformations intérieures, pour lesquelles le temps est indispensable.
Non, la date du terme n’est pas une date de péremption.
Chaque bébé, chaque maman, chaque corps se met en mouvement à son rythme, lorsqu’il est prêt. Il s’agit de rythmes intérieurs, archaïques, qui dépassent notre simple contrôle humain, des rythmes inspirés par la sagesse de la vie. Chaque corps de mère a le même potentiel, la même capacité que celui des autres mammifères à se mettre en mouvement pour donner la vie lorsque le moment est venu.
Si seulement quelqu’un pouvait, comme le dit si bien Milli Hill –blogueuse, doula et fondatrice du Mouvement pour une Naissance Positive -, réconforter, encourager Kate et toutes les mamans en attente en leur murmurant un seul mot, ‘Zwischen’, que je vous laisse découvrir dans l’article suivant, publié dans le Best Daily du 18 juillet 2013.
Brigitte Rietzler – Temesira
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Le mot qui aiderait la duchesse Kate qui a dépassé son terme.
“Elle est lovée sur le canapé, dans l’attente, une boule de bébé et d’émotions. Un amas de livres sur la grossesse, l’accouchement, les prénoms de bébés, l’allaitement…plus un mot ne peut être absorbé…Il est temps de se dépêcher et d’attendre. Ce n’est pas un endroit confortable, mais pourtant pleinement nécessaire.
Les derniers jours de grossesse -qui s’étirent parfois sur des semaines agonisantes- sont un lieu, un temps, un événement, une phase à part. C’est un temps entre deux. Pas ici, pas là non plus. Votre vieux soi et votre nouveau soi sont en équilibre sur la brèche d’une grossesse. Un pied dans votre vieil univers, un pied dans votre nouvel univers.
Ne devrait-on pas inventer un mot pour cet état d’être, un mot qui décrive le temps et le lieu où les mères s’attardent, attendant d’être appelées vers l’avant ? ”
Je ne peux cesser de penser à Kate Middleton cette semaine. Quelqu’un comme moi qui a vécu deux “longues” grossesses sait ce que c’est que de dépasser le terme, et je ne peux qu’imaginer la pesanteur de la pression supplémentaire due au fait de porter un futur monarque.
Je me demande ce que je dirais à Kate, si je pouvais lui faire passer un message. Est-ce que je lui enverrais une sélection d’articles et des statistiques sur le déclenchement ? Lui suggérerais d’abandonner la clinique Lindo en faveur d’un lieu plus intime comme Berkshire? Ou bien je lui conseillerais vivement de chercher une sage-femme ou une doula pour apporter un peu d’expertise féminine à la situation? Non – à ce stade elle a déjà fait ses choix, et poser davantage de questions ne ferait qu’ajouter du poids à ses angoisses.
Mon message serait simple : un seul mot – Zwischen…
Zwischen – un mot allemand qui signifie “entre”, utilisé par la sage-femme américaine Jana Studelska dans son magnifique message aux femmes enceintes appelé « The Last Days of Pregnancy: A Place of In-Between » (“Les derniers jours de la grossesse : un lieu entre deux”), duquel est extrait la citation qui ouvre cet article.
Il s’agit d’un écrit rassurant, pas seulement pour Kate, mais pour toute femme qui attend son bébé. En fait, à chaque fois qu’il est partagé sur les réseaux sociaux, on dirait qu’il parle aux femmes de telle sorte que cela leur apporte une énergie positive dont elles ont grand besoin à un moment de leur vie qui peut souvent être plutôt négatif.
Se sentant “rondes, gonflées et larmoyantes”, selon les mots de Studelska, les femmes qui attendent leurs bébés ne sont “ni ici, et pas encore là-bas” – le temps de préparation est fini, mais la phase suivante, celle de la naissance et du maternage paraît ne jamais arriver.
Celles qui deviennent maman pour la première fois en particulier flottent anxieusement sur le seuil entre un univers et le suivant, et le temps d’attente peut paraître inquiétant et accablant.
J’aurais aimé avoir lu les mots empreints de sagesse de Studelska au moment où j’attendais anxieusement mon premier bébé :
‘J’invoque les Zwischen prénataux comme une opportunité d’offrir du réconfort et également de la protection. Je vois bien comme il est facile d’exploiter et d’abuser de ce temps. Un déclenchement programmé est séduisant, avec ses promesses de contrôle. Des familles inquiètes et confuses peuvent se trouver brutalement face à une crise de confiance. Nous ne sommes pas dans une culture qui attend les choses, et nous ne croyons pas en la naissance normale; attendre un bébé peut sembler une véritable absurdité. Nommer ce moment invite la femme à se tourner vers son intériorité, à écouter et développer sa propre intuition. Ce qui s’avère être aussi un puissant terrain d’entrainement pour le maternage.’
Studelska, à propos du Zwischen, dit également : “C’est un temps entre deux, où l’ouverture commence. Nommer ce temps lui donne sa dimension, une expérience plus proche de l’émerveillement que de l’endurance.”
Pour ma part, ma première attente de l’accouchement a été un temps d’endurance ponctué de très peu d’émerveillement, et c’est seulement maintenant, rétrospectivement, que je me rends compte à quel point les jours de cette dernière ligne droite étaient incroyables. La vie était sur le point de changer au point de ne pas la reconnaître. La naissance et la maternité allaient me réinventer – d’un jour à l’autre.
Et maintenant, lorsque dans un rire complice, je croise le regard de ma fille de 5 ans, je suis souvent ébahie d’avoir porté une personne aussi incroyable dans mon corps, et m’émerveille de l’immense privilège qu’il m’a été donné de vivre.
Ce moment de Zwischen aurait dû être chargé d’émerveillement, mais au lieu de cela, comme beaucoup de femmes, je me suis sentie victime de l’énorme pression de voir chaque jour qui passe comme un “échec” alors que l’accouchement ne se mettait pas en route.
Cette pression est déjà présente pour Kate, avec des spéculations grandissantes sur un possible déclenchement, et certains commentateurs qui n’hésitent pas à aller jusqu’au point d’envisager qu’une césarienne soit inévitable. Et il se peut qu’ils aient raison –car si nous insistons pour considérer les derniers jours de grossesse comme un dysfonctionnement, alors nous troquons tout espoir d’émerveillement contre la recherche du contrôle – et l’augmentation de la probabilité d’une césarienne – sur laquelle une intervention médicale peut déboucher.
Alors, pour Kate, et pour toutes les femmes en attente, et également pour leurs docteurs et leurs obstétriciens, je dis : restons dans l’émerveillement. Ne nous soucions pas des angoisses de dates du terme ou de statistiques discutables, et si nous sentons que nous avons besoin de “faire quelque chose”, asseyons-nous sur nos mains un peu plus longtemps.
Chaque personne impatiente d’avoir des nouvelles de l’arrivée du bébé royal n’a besoin que d’un mot – pour nous exhorter à embrasser le mystère de se trouver à un point critique, à avoir confiance que tout se passe comme cela devrait se passer, et à donner à Kate et à toutes les femmes-dans-l’attente le soutien et la patience qu’elles méritent.
Seulement un mot, chuchoté avec confiance, pour laisser le bébé ET la maman naître lorsqu’ils seront prêts : Zwischen.