Interview de Camille Sfez, auteure de « La Puissance du Féminin »

A travers les pages de ce blog, j’ai décidé de vous présenter régulièrement  une personne inspirante. C’est en marchant notre chemin que nous grandissons. Et c’est aussi en croisant celui d’autres  dont les quêtes et les expériences résonnent,  nous inspirent, nous nourrissent, nous boostent. Cela nous invite à avancer, créer, changer, et exprimer notre propre potentiel avec notre couleur unique. J’aime les parcours qui sortent des sentiers battus, ceux qui portent un regard neuf, différent sur le monde et nous encouragent à donner voix et forme à nos aspirations les plus profondes.

« Chaque être humain qui devient sa vision personnelle deviendra un modèle pour les autres qu’il en soit conscient ou non. » Jamie Sams.

La puissance du féminin Camille Sfez auteure livre

Camille Sfez est psychologue et anime des Cercles de Femmes depuis une dizaine d’années à Paris. Elle vient de publier son premier livre : « La puissance du féminin » aux éditions Leduc.s.

Camille, comment en es-tu venue à t’intéresser au féminin, y a–t-il eu un événement déclencheur ?

J’ai eu des modèles très caricaturaux chez mes parents. Du coup je me suis construite en me disant, « je veux être un homme ». J’étais une guerrière quand j’étais ado. Ma survie ça a été de me construire une carapace. Je sentais une grande sensibilité, mais je ne savais pas quoi en faire, c’était super dangereux pour moi.
Et puis j’ai commencé un travail sur moi et mon premier thérapeute m’a suggéré d’aller voir les Cercles de Femmes. Assez tôt dans ma vie et mon travail thérapeutique, je suis allée en Angleterre où les Cercles étaient en plein essor pour les découvrir.  C’était un besoin vraiment profond pour moi d’aller creuser ce que c’est au juste d’être une femme. Cette expérience des Cercles de Femmes m’a vraiment touchée et m’a donné plus tard envie de changer d’orientation et de devenir psy.
Je voyais et j’entendais des femmes qui vivaient et verbalisaient leurs émotions, le lien à leur corps. Je sentais la force du Cercle hyper palpable. J’ai vu l’effet (sur moi et sur les autres) de ces espaces où la parole des femmes se libère. A l’époque, en plus, il y avait un côté avant-gardiste en Angleterre : on parlait déjà ouvertement des menstruations et de la mooncup par exemple, de la fertilité naturelle, et il y avait déjà plus de conscience des thérapies alternatives, plus d’options pour l’accouchement aussi.

Cela faisait pleinement sens pour moi de contribuer à ce que les Cercles puissent vivre et se développer en France.

J’ai aussi reçu d’autres transmissions notamment avec Carol Anpo Wi et le Conseil des 13 Gardiennes. J’ai reçu cet enseignement amérindien comme une carte. Une autre étape a été la découverte du Tantra.

Ça fait une dizaine d’année que tu animes des Cercles de Femmes, est-ce que tu perçois des changements au cours de cette décennie ?

Il y a beaucoup plus de femmes jeunes. Lorsque j’ai commencé, j’étais la plus jeune dans les Cercles. Les femmes qui se rencontraient et se questionnaient avaient plutôt autour de la quarantaine. Elles étaient plus guerrières, sans doute plus blessées aussi.
Aujourd’hui les femmes qui viennent aux Cercles sont plus jeunes, beaucoup ont autour de 20-25 ans, sont déjà très conscientes de leurs cycles, curieuses et sensibles. Elles sont peut-être aussi moins blessées.

Les thèmes restent universels : les lunes, les grandes étapes de vie des femmes, notre identité multi-facette et comment elle s’intègre dans la relation  à l’autre, comment on prend notre place dans le monde, dans le couple. On parle beaucoup des hommes, de leur importance, leur valeur, la place qu’on leur fait dans la vie. Peut-être qu’on est moins dans l’opposition par rapport au masculin que la génération précédente.
Les femmes ont eu besoin de se construire contre le masculin. Aujourd’hui ce n’est plus l’axe.

Cercle de Femmes Tentes ROuges Moonlodges

Est-ce que tu as pu voir aussi des valeurs émerger, palper un changement plus sociétal ?

En Angleterre il y a un vrai sens de la communauté : les femmes donnent du temps aux autres, elles portent des projets ensemble, il y a un sens du service qui a émergé. J’aurai pu imaginer ou attendre cela en France, mais ce n’est pas le cas pour l’instant.

Ce que je vois, c’est que les femmes prennent le temps tous les mois de revenir, de se poser, de ralentir, de valoriser leur vulnérabilité, la capacité d’exprimer leurs besoins. L’équilibre change par rapport au discours ambiant de vitesse et performance. Et ça c’est précieux ! On entend un nouvel écho.

Dans le monde entrepreneurial aussi, les valeurs changent. Le leadership féminin émerge, une façon de manager plus authentique et avec un rythme différent : on n’est pas obligé de faire dans l’urgence, pas obligé de faire tout de suite, on peut prendre son temps, ralentir, valoriser notre intuition quand on fait des choix et ça c’est la connexion avec le Féminin – qu’on soit une femme ou un homme d’ailleurs !

Qu’est-ce que tu aimerais transmettre aux jeunes générations ?

Je suis étonnée que les choses soient déjà si séparées entre les petits garçons et les petites filles dès la maternelle (le fait de penser par exemple que le rose ou le violet c’est pour les filles). J’aimerais qu’il y ait moins d’étiquettes et que le genre ne soit pas ce qui délimite ce que les filles ou les garçons peuvent faire. Le véritable enjeu pour moi c’est la liberté : comment peut-on avoir plus de liberté dans nos modes de pensée, dans notre comportement, dans notre rapport à l’autre en réussissant  à se détacher de tous ces moules et ces carcans.

J’entends aussi beaucoup parler des adolescents dont l’éveil à la sexualité se fait par le porno dans cette culture de « faire pour l’autre », de coller à une image. J’aimerais que ces jeunes générations soient  plus connectées à leur plaisir et à leur désir.

Je  pense qu’il est nécessaire de valoriser aux yeux des petits garçons et des petites filles ce que c’est que le féminin. Je le constate dans les Cercles : il reste quand même de la honte, une gêne ; avoir ses lunes c’est un poids, un fardeau.
Souvent dans un cercle, les femmes font référence au fait de devoir se rappeler ou récupérer un transmission qu’elles n’ont pas reçue, comme si quelque chose s’était perdu : « on m’a pas appris, pas dit ce que c’est que d’être une femme, la valeur que ça avait », comme si ce lieu, ce temple du féminin depuis lequel on peut enseigner la valeur du corps et notre place dans la société n’existait plus. C’est comme si on avait posé un voile, oublié de nous raconter cette histoire-là.

J’aimerais qu’on puisse raconter aux enfants, notamment à propos de la sexualité par exemple, qu’on n’a pas les mêmes rythmes, pas les mêmes façons d’exprimer son désir. J’aimerais donner plus de clefs de compréhension, transmettre plus d’outils, de grilles de lecture aux enfants et aux ados pour qu’ils puissent décrypter et répondre à ces questions : qui suis-je, quelle est ma place dans le monde, par rapport à l’autre ? C’est quoi être une femme, pourquoi c’est différent d’être un homme ?

C’est le maillage de pensée qui vient soutenir la construction de l’identité. On a besoin de repères.
C’est ce que j’aime dans les Cercles : pouvoir observer comment la pensée se tisse. En effet, si l’on donne des repères « tout faits » on risque de répéter des stéréotypes. Or dans un Cercle, les femmes se répondent, chacune va donner sa vérité, sa couleur. On construit nos repères par résonance et en s’appuyant sur des outils. Connaître les archétypes, par exemple, c’est intéressant. Pas forcément pour s’identifier, mais pour les comprendre, en vivre les facettes, les incarner, jouer, comme une façon de s’explorer, de voir comment ça résonne en nous et comment on les intègre et on se transforme, on crée l’alchimie.

Quels sont les archétypes qui résonnent pour toi?

J’ai rencontré plusieurs archétypes comme la femme sauvage, la guérisseuse, la guerrière…

Ce travail pour moi sur les archétypes, c’est quelque chose d’extérieur qui va m’apprendre quelque chose sur moi.

J’ai aussi compris beaucoup sur le masculin et le féminin par le travail des plantes : certaines plantes sont masculines, d’autres féminines et elles viennent chacune à leur façon redresser, rééquilibrer nos polarités.

Pour moi, ce sont des axes, des outils pour voir comment ça danse à l’intérieur de nous, pour équilibrer et guérir nos polarités.

La danse hommage à Matisse Niki de Saint Phalle puissance du féminin

Quelles femmes ont influencé ton chemin, quelles ont été tes références ?

Il y a d’abord les femmes qui s’expriment dans mon livre : Carol Anpo Wi, Lise Coté, Marisa Ortolan, Alisa Starkweather & Maïtié Trelaün. Ces femmes m’ont marquée et ont chacune éclairé quelque chose en lien avec des facettes différentes.
Ma sage-femme qui m’a accompagnée dans ce passage sacré de ma vie est aussi une personne importante pour moi.
Je pense aussi à Marie Mottais qui est danseuse et travaille dans la nature autour des rituels.

Ça m’a accompagné  et soutenu de voir ces femmes qui avaient résolu, intégré, transformé certaines facettes.

Je suis aussi très inspirée par les femmes dans les Cercles qui partagent des vécus, des vérités qui résonnent, qui m’amènent des compréhensions, des prises de conscience.

Des hommes aussi m’ont inspirée : je me suis sentie en résonance avec leur transformation, leur nouvel équilibre.

Dans mon environnement familial, la sœur de  ma grand-mère était une femme différente. Critique de mode dans les années 50, elle était connectée à sa sensibilité, à son intuition, à son flair. Elle a eu une belle carrière et une reconnaissance sociale. Elle a été maman, mais la maternité est passée au second plan. Elle a dû faire un choix et elle a choisi sa carrière.

Ma grand-mère maternelle, parle aux arbres, aux oiseaux, elle est très connectée à la Nature.  Je me reconnais beaucoup en elle et je peux valoriser cette connexion aujourd’hui, mais ce n’était pas le cas quand j’étais petite.

En réalité je n’ai pas eu beaucoup de modèles de femmes inspirantes dans mon entourage direct. J’ai eu besoin de références alors j’en ai cherché dans la littérature, chez les artistes. J’ai été particulièrement fascinée et touchée par Frida Kahlo, Louise Bourgeois. Et surtout Niki de Saint Phalle. C’est la première qui m’a connectée à ce chemin du féminin : sa vision féministe, la réhabilitation de la déesse mère. Elle m’a fait m’interroger sur la  polarité féminine non reconnue, non valorisée. Toutes ces artistes à travers leur représentation des organes féminins et de leurs blessures m’ont ouvert à cette réflexion, à m’interroger sur ce que je pouvais faire de mes blessures du féminin, – pour moi.

 

A une femme qui n’a jamais été à un cercle, qu’est-ce que tu lui dirais sur le féminin profond ?

C’est une partie de nous à laquelle on a accès quand on est dans cet espace de silence et d’immobilité. On ne touche ce féminin, on ne peut l’entendre que lorsqu’on n’est plus dans l’agitation extérieure, dans le faire. « Qereb » en hébreu, veut dire « ventre » et aussi « proche de la Source ». Le féminin, c’est cette polarité mystérieuse à l’intérieur de nous, c’est ce réservoir d’énergie, cette eau matricielle d’où va émerger notre lumière. C’est en prêtant attention à cette partie de nous que l’on va pouvoir se connecter à nos rêves. Renouer avec son féminin, c’est renouer avec ces profondeurs d’où va émerger ce qui a du sens, ce qui est riche et qu’on a à amener à la lumière.

C’est aussi un chemin sur lequel on va se retrouver, se rassembler.

Comme dans l’histoire d’Isis & Osiris que j’aime bien raconter. Osiris est coupé en morceaux qui sont cachés dans toute l’Egypte, et Isis part à la recherche des morceaux de son double masculin pour les rassembler. Elle invente la momification à ce moment-là, puis elle chante sur lui et redonne ainsi vie à Osiris par son chant. Pour moi ce chemin du féminin, c’est aussi comment à chaque étape de ma vie j’ai mis de côté une partie de moi, j’ai abandonné mon pouvoir, une part de moi qui était « trop » : trop sensible, trop exubérante, trop ci, trop ça. Et à chaque fois qu’on s’est senties « trop », on a laissé une partie de nous à l’extérieur.

Renouer avec son féminin, c’est récupérer toutes ces facettes de nous, qu’on a mises de côté en ayant une fausse idée de ce que signifiait être une femme. Ce qu’on a abandonné lorsqu’on a cru qu’on devait choisir.

C’est un chemin de reconnexion à qui l’on est profondément.

J’aime cette citation d’Annie de Souzenelle : « La rencontre avec le féminin ne procède pas de l’acquisition d’un savoir, c’est la rencontre avec le mystère des choses »

J’aime aussi beaucoup l’expression amérindienne «  Marcher ce chemin de beauté » : comment à chaque instant je peux prendre soin de mon écologie intérieure. Que chaque pas que je fais ce soit avec la meilleure version de moi que je le fasse.

Isis by Alexandra Petracchi archétype féminin puissance du féminin

 Quel rêve aurais-tu envie de réaliser ?

J’ai un rêve pour l’humanité. J’aimerais qu’en tant qu’être humain, on se connecte davantage au sacré, aux différents règnes, aux lignées, aux autres. J’aimerais que l’humanité se rappelle de cette reliance, que chacun prenne soin de tous ces liens.

De quels accomplissements es tu fière ?

 J’avais envie d’être au service du féminin, d’éveiller sur ces espaces qui existent et nous font du bien, d’aider à ce qu’ils soient connus. Je suis heureuse d’être en train de le faire.

La façon dont sont nés mes enfants, c’est aussi un appui dans mon histoire. Cela m’a permis de faire confiance à mon corps et de prendre conscience de ma force intérieure.

Quel endroit aimerais-tu  découvrir sur la terre ?

J’ai un lien fort avec le Mexique. J’aimerais beaucoup aller en Egypte voir les pyramides !

Si tes organes de vie pouvaient te parler est-ce qu’ils te diraient quelque chose ?

J’essaie de les écouter. Je crois que c’est ma yoni qui me questionne sur le pouvoir. Cet organe me rappelle mon chemin pour rester centrée, être au centre de mon territoire. Pendant tout ce chemin pour renouer avec mon féminin, j’ai fait beaucoup de travail pour délimiter mon espace sacré. Maintenant, c’est comment occuper cet espace depuis mon centre, dans le juste équilibre.

Merci infiniment Camille pour ce petit-déjeuner délicieux, profond et joyeux !

Découvrez le livre en vidéo !

Vous trouverez le livre La Puissance du féminin en librairie ou online. Je vous encourage vraiment à aller faire un tour chez votre libraire, c’est aussi une forme d’écologie : (l’écologie de quartier, préserver ce tissu social, les liens de voisinage), et vous soutenez des choix littéraires plus engagés.

Pour + d’infos sur les Tentes Rouges de Paris c’est par ici.

Artwork :
La Danse, Niki de Saint Phalle
Isis  © by Alexandra Petracchi

Zanele Muholi : des mandalas avec le sang de ses lunes

Zanele Muholi est une artiste sudafricaine.

Activiste lesbienne, elle est très engagée contre les viols correctifs couramment perpétrés à l’encontre des femmes de sa communauté en Afrique du Sud.

– Zanele Muholi présente son projet « Isilumo siyaluma » (en anglais) –

Sa réponse à ces crimes de haines violents est artistique : depuis 2006, elle collecte et photographie le sang de ses menstruations pour créer une œuvre magnifique.

Elle a baptisé son projet « Isilumo siyaluma », une expression zoulou qui signifie « douleurs menstruelles ». C’est sa façon à elle d’exprimer sa colère. Chaque mandala est en effet un hommage à une victime de ces crimes haineux ou à une survivante.

Son œuvre ne se centre pas autour des douleurs menstruelles en soi, mais utilise le sang comme fil conducteur symbolique. Elle a choisi le sang de ses lunes, car il provient de l’espace sacré de nos utérus qui nous caractérise universellement en tant que femmes. C’est l’espace à travers lequel nous venons au monde, nous donnons la vie, et c’est ce même espace qui est violenté. Le sang devient alors celui des victimes et le « sang témoin » au moment de la réalisation des autopsies.

Zanele Muholi poursuivra son projet « aussi longtemps qu’elle saignera et que les corps des femmes seront violentés. »

Le rebozo, un soin au féminin

Les Mexicaines l’arborent depuis des siècles et ont même donné son nom à une technique de relaxation profonde, de plus en plus pratiquée en France. Pour comprendre sa puissance, nous avons testé le « soin rebozo » et découvert un patrimoine féminin universel.

 Rebozo Echarpe Châle Soin Rebozo Rituel de passage féminin
Le rebozo est un châle léger, porté depuis l’époque préhispanique par les Mexicaines. En coton, il protège du soleil et peut servir de panier, y compris pour porter son bébé. Popularisé au début du siècle dernier par l’artiste nationale Frida Kahlo, son utilisation reste courante au Mexique, où il est une fierté culturelle, toutes catégories sociales confondues. A la puberté, chaque jeune fille se voit offrir son propre rebozo, symbole de féminité.

Un héritage traditionnel

Dans un pays où la figure maternelle est sacrée, l’étoffe fait l’objet d’un soin post-natal très apprécié, qui utilise l’écharpe pour ceindre les membres, lentement. Après l’accouchement, la femme est invitée à rester allongée avec son bébé pour reposer leurs corps et encourager le lien mère-enfant. Ses sœurs, tantes, amies ou voisines s’occupent d’eux et prennent en charge les tâches quotidiennes. Au bout de quarante jours, la maman reçoit le soin rebozo, qui permet de nettoyer les toxines de la grossesse et vient marquer cette nouvelle étape de sa vie. Au Mexique, Laurence Kerbarh et Virginie Derobe ont rencontré des accoucheuses traditionnelles et appris à leurs côtés les gestes de ce soin ancestral. De retour en France, elles l’ont adapté et ouvert à toutes les femmes : « Ce soin s’adresse à toutes celles qui sont en train de passer un cap dans leur vie, qui traversent une épreuve ou un changement.» Après une naissance mais aussi face au deuil, à une séparation, un mariage ou une réorientation professionnelle, le soin rebozo est l’occasion d’un recentrage personnel. Donné par deux femmes à une troisième durant deux heures et demie, il est pensé comme une célébration du corps féminin et s’adaptera à la jeune fille qui vient d’avoir ses règles comme à la femme qui entre dans sa ménopause. Une bulle hors du temps, composée de trois étapes majeures, vers une décontraction totale.

Trois femmes, trois temps forts

D’abord il y a le massage à quatre mains. L’odeur de l’huile tiède et la juste pression synchronisée des praticiennes sont une invitation au relâchement. Contrairement à un modelage simple, lorsque quatre mains vous parcourent le corps, le cerveau n’est plus capable de suivre leurs mouvements et lâche prise complètement. Puis vient le temps de la montée en chaleur dans un bain chaud ou un hammam aromatisé aux plantes. Au Mexique, la chaleur a des vertus théapeutiques. Dans les villages, la plupart des familles utilisent encore le temazcal, une petite hutte à sudation de forme utérine, adossée à la maison. Une tisane astringente composée de romarin, de piment, de cannelle et de miel est proposée tout au long du soin. L’objectif est de chauffer le corps de l’intérieur et de l’extérieur pour dilater les tissus et détendre l’esprit. La transpiration se poursuit, la receveuse allongée sous plusieurs couvertures confortables. Emmailloté délicatement, le corps est enveloppé des pieds à la tête, dans un demi-sommeil.
Enfin, c’est le resserage proprement dit : les deux femmes vont placer et nouer le rebozo, en sept points clés du corps : tête, épaules, taille, bassin, mollets et pieds. Disposée de chaque côté de leur cliente, chacune tient un bout du châle qu’elle va tendre progressivement. L’effet est remarquable sur les muscles et les tensions. « C’est elle qui nous dit quand la pression lui suffit », précise Laurence. Parce qu’elle contacte notre mémoire corporelle, celle de l’enfant, contenu, qui s’abandonne, l’expérience est d’une grande force émotionnelle.
Le but : sentir ses contours et réunifier son schéma corporel pour se retrouver soi. La richesse du soin rebozo vient de ce mélange entre méthode et savoir-être intuitif. Une connaissance transmise de femmes à femmes qui trouve ses équivalents partout dans le monde

Post-accouchement

Les femmes qui viennent d’accoucher ont toutes en commun ce besoin d’être très fermement serrées au niveau du bassin, comme pour « se refermer ». Certaines communautés africaines encouragent le port d’un pagne serré sur le bas-ventre, sans oublier la ceinture de grossesse qui n’a pas que des avantages esthétiques en post-partum. Le soin rebozo est conçu comme un passage : on clôt une situation pour s’ouvrir à une autre. « Nous appelons intention l’état d’esprit dans lequel la personne vient nous voir quand elle prend rendez-vous, explique Laurence. L’intention lui permet de poser ses attentes et à nous de l’accompagner au plus près de l’énergie dans laquelle elle se trouve. Cela peut être aussi de s’offrir une pause, tout simplement.» Proposé par environ cent quarante praticiennes certifiées à travers la France, il est enseigné, entre autres, à l’Ecole de formation rebozo et s’ouvre aux professions médicales qui y voient un véritable outil. En serrages doux ou en bercements, ces quelques centimètres carrés de fibres naturelles intéressent déjà les sages-femmes et les éducateurs spécialisés. S’il fait une arrivée discrète en France depuis quelques années, sa formule séduit et les séances s’offrent même en cadeaux entre filles, vers le partage d’une féminité heureuse.

Pour trouver des praticiennes près de chez vous, consultez l’annuaire : www.rebozoaufeminin.fr 

Source : BioInfo « Le rebozo, un soin au féminin » – Lucile de la Reberdiere (22 Avril 2014)

La vision ayurvédique du post-partum

La naissance n’est que le tout début de la grande aventure qu’est la maternité. C’est après que tout commence. Et c’est souvent lors de cette étape que la plupart des femmes, dans notre monde occidental, se retrouvent bien seules. Elles étaient en pleine lumière pendant la grossesse, et c’est désormais le bébé qui est au centre de l’attention. Habituées à tout gérer, à « faire », à être performantes au boulot et en famille, cette étape de réceptivité et d’accueil n’est pas facile à vivre.

D’autant que les proches susceptibles de nous soutenir dans ce passage n’habitent pas forcément à côté, les amis sont chacun absorbés par leurs vies, et nous ne sommes pas non plus habituées à demander de l’aide.

Les familles sont devenues de petites entités-la responsabilité d’accompagner un enfant qui grandit repose principalement sur 2 personnes- alors qu’auparavant, la famille élargie et la communauté étaient plus présentes. Un proverbe africain dit d’ailleurs que « pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village. » Alors, construisons-nous la « tribu » qui nous convient, tissons des réseaux d’entre-aide, de soutien et de partage autour de nous afin de mieux vivre le post-partum et tous les passages de vie!

Pour s’inspirer, on peut observer que dans de nombreuses cultures traditionnelles (en Asie, en Afrique, en Amérique Latine), les femmes sont bichonnées par d’autres femmes de leur famille ou de leur entourage. Elles gèrent toute l’intendance, apportent leur soutien, prodiguent des massages, cuisinent, s’occupent des autres enfants…Présence, accompagnement et transmission permettent à la nouvelle maman de mieux vivre cette transition et de pouvoir pleinement établir le lien avec son bébé. Dans ces contrées,  la dépression post-partum n’existe tout simplement pas!

Shabd ‘Simran’ Adeniji est sage-femme. Elle a grandi en Inde et nous expose la vision ayurvédique du post-partum que je vous laisse découvrir :

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« J’adore partager la belle coutume indienne des relevailles pendant la période postnatale, période durant laquelle les mamans et leurs bébés restent à la maison pendant 40 jours après la naissance. Je connais bien cette tradition car j’ai grandi dans une communauté Sikh et ai vécu en Inde pendant 12 ans. En tant que mère et sage-femme ayant exercé pendant 8 ans en Nouvelle-Zélande, j’ai beaucoup de plaisir à voir la résurgence de cette pratique postnatale aux Etats-Unis, une tradition commune dans la plupart des pays non occidentaux.

 

Pourquoi 40 jours?

Bien que le laps de temps de cette étape varie, dans la plupart des communautés indiennes, la période des relevailles dure quarante jours ou environ six semaines, ce qui correspond au temps nécessaire à la plupart des femmes pour établir l’allaitement. Les relevailles sont également favorables à la convalescence physique et le niveau d’énergie remonte peu à peu afin de pouvoir revenir aux activités d’une vie normale. Un proverbe indien dit d’ailleurs que « les 40 premiers jours de vie auront un impact sur les 40 prochaines années de vie ».

Les quarante jours des relevailles permettent au corps de la femme de récupérer de l’intensité de l’accouchement : alors que les niveaux hormonaux changent drastiquement, l’utérus revient également à sa taille d’avant la grossesse, la production de lait s’établit et les incisions du périnée ou les césariennes cicatrisent.

Les femmes deviennent mères (même si ce n’est pas pour la première fois) en assimilant les événements liés à la naissance, en s’ajustant au manque de sommeil et en répondant aux nouvelles demandes de leur corps. Cette étape postnatale est exigeante physiquement, mais représente également une précieuse opportunité pour établir le lien avec le nouveau bébé et lui offrir une douce bienvenue en ce monde.

Que se passe-t-il pendant 40 jours?

Je me souviens très précisément des 40 jours chez moi avec ma fille nouvelle-née. En pleine lutte avec les défis de l’engorgement, tendre descente aux enfers, et les montagnes russes des changements hormonaux, j’avais besoin d’être nourrie par les autres. L’aide que mon mari et moi avons reçue nous a aidé à gagner en confiance en nous, en tant que nouveaux parents. Contrairement à ce que peuvent évoquer les relevailles, les femmes qui pratiquent cette tradition ne sont pas seules ni isolées, par conséquent leur niveau de stress et d’anxiété lié à cette nouvelle maternité baisse. Selon mon expérience, les femmes qui suivent cette pratique –y compris celles qui reçoivent de l’aide des autres- ont des taux plus bas de dépression post-partum.

L’intention primaire de 40 jours à huis clos est de fournir protection au nouveau-né délicat et sensible et de permettre à la mère de se reposer et de récupérer. En Inde, les mères sont encouragées à s’abstenir des tâches ménagères, de la préparation des repas, du nettoyage ou même de recevoir des invités. Elles peuvent profiter d’un temps souvent sous-évalué nécessaire à un repos profond et pour être avec leur nouveau-né. Sortir à l’extérieur comprend de courtes balades autour du pâté de maison pour les mamans, mais les bébés restent à la maison sauf en cas de besoin urgent de quitter la maison.

L’Ayurvéda, une médecine traditionnelle vieille de 5000 ans, considère cette période comme une étape sensible pour les mères, en particulier pour le système digestif- d’où l’accent mis sur des aliments simples et digestes. Traditionnellement, les mères reçoivent des massages à l’huile chaude tous les jours. On leur propose des aliments spécifiques mais simples et une variété de tisanes pour favoriser la convalescence et le rétablissement, booster leur immunité et améliorer la production de lait.

Comment recevoir de l’aide ?

Dans la culture traditionnelle indienne, les femmes vivent avec leur belle-famille. Après la naissance, les nouvelles mamans retournent chez leurs mères ou bien leurs mères s’installent temporairement chez elles. De nombreuses femmes proches sont habituellement disponibles pour apporter leur soutien pendant cette étape particulière. Dans nos sociétés, l’organisation post-partum requiert plus de créativité et de planification.

Certaines mamans peuvent compter sur une ou plusieurs personnes proches qui peuvent les aider pendant un temps. Pour d’autres, comme moi, la meilleure option a été de m’offrir les services de quelqu’un pour le ménage et la cuisine ainsi que de demander de l’aide à des amis proches pour d’autres types de soutien. Évidemment, c’est un engagement financier, mais pour mon mari et moi, cela a valu la peine. Je le vois comme un investissement pour le reste de ma vie et la vie de mon enfant.

 

Cherchez des personnes aidantes

Il est important de choisir des personnes aidantes qui sachent respecter l’espace sacré de ce moment. Les tâches peuvent comporter le filtrage des appels et des visiteurs, aider pour les lessives, préparer un « Badaam » épicé (recette à la fin de l’article), préparer des petits plats et des boissons chaudes tout au long de la journée, ou prodiguer un bon massage plantaire – comme l’a fait une amie pour moi pendant que j’allaitais mon bébé pour ce qui me semblait la millième fois de la journée. Les doulas du post-partum peuvent également remplir ce rôle en offrant leur soutien physique et émotionnel tout au long de ces 40 jours.

Dans notre communauté Sikh, un réseau constitué d’amis proches et membres de la famille apporte des repas à la fois simples et délicieux chaque jour pendant ces 40 jours. Un ami peut par exemple créer un « agenda des repas » qu’il coordonnera avec ceux qui s’engagent à cuisiner un repas par semaine pendant six semaines. Cela permet de respecter ces 40 jours pour la maman, même si aucun membre de la famille n’habite dans les environs. D’autres membres de la communauté prennent souvent en charge les autres enfants ou les animaux domestiques, ce qui est très aidant pendant cette période. Tout soutien qui réduit la pression sur la mère et la famille est un cadeau parfait pendant ces premières semaines.

Je sais bien que cela peut être un vrai défi pour les nouvelles mamans de s’organiser pour s’octroyer 40 jours de repos dans leurs vies occupées et stressantes. Certaines mamans ont besoin de retourner travailler ou ont d’autres enfants dont elles doivent s’occuper. Pour autant et malgré toutes ces circonstances, j’encourage les femmes à demander et à accepter de recevoir l’aide dont elles ont besoin pour se rétablir et créer le lien avec leur bébé. Ces premières semaines ne sont à nulle autre pareilles. Peut-être que tout le reste peut attendre pendant seulement 40 jours ? »

 

Recette de la boisson ayurvédique “Badaam”

Faites tremper 10 amandes toute une nuit

1 tasse de lait chaud
½ càc de Ghee (beurre clarifié)
1 càc de miel ou sirop d’érable
1 pincée de curcuma (optionnel)
Enlevez la peau des amandes. Mixez tous les ingrédients ensemble.

Faites chauffer le mélange à feu doux. Servez chaud.

 

Article écrit par Shabd ‘Simran’ Adeniji, sage-femme et éducatrice parentale à Santa Fe au Nouveau Mexique.

Vous pouvez également consulter sa page web : www.mynurturingsolutions.com

Source : Ayurvedic Postpartum by Peggy  O’Mara ~Traduction Brigitte Rietzler // Temesira