Souvent lorsque la conversation tourne autour du yoga avec mon entourage ou des personnes potentiellement intéressées par le yoga, l’objection majeure qui revient sans cesse est « ah, mais le yoga c’est pas pour moi, je suis pas souple !! »
…Non, je ne suis pas une vengeuse masquée moralisatrice ; )
Je comprends très bien cet argument, je pense que si j’y avais réfléchi, je me serai dit la même chose. Mais j’avoue ne pas y avoir pensé…pourtant je n’étais pas particulièrement souple. Ou plus particulièrement souple.
C’est vrai que lorsque l’on regarde les prouesses d’un yogi, d’un danseur ou d’un acrobate, on est subjugué par l’aisance avec laquelle ils réalisent des postures avancées, émerveillé par la fluidité presque déconcertante des chorégraphies et des enchaînements. Ils paraissent si sereins, souriants, dans leur élément comme des poissons dans l’eau. En les regardant, on se sent en suspens, presque hors du temps et de l’espace, tout paraît simple, léger, tout semble possible!!
On se dit que -fastoche, nous aussi on va « sortir la posture », s’envoler, virevolter. On se lance à les imiter et puis non, finalement on est très loin d’y arriver, on se vautre, on a l’air maladroits, on s’emmêle les pieds, ça tire de partout, bref, c’est pas du tout ça…beaucoup plus dur que prévu.
On se dit alors que ces gens ont un talent, un don inné. Que du coup « on n’y arrivera jamais », que « c’est même pas la peine d’essayer », que « c’est pas pour nous ». Bref, on se résigne d’office, et notre mental tout affolé à l’idée qu’on allait sortir de notre zone de confort est bien content de l’entrée en scène de ce saboteur. Tuée dans l’œuf l’impulsion créative, l’impulsion vitale du corps !!
Évidemment lorsqu’on admire une performance, on ne voit finalement que le résultat, on est témoin d’une perfection qui est l’aboutissement d’un long processus. Et on oublie tout le chemin parcouru par ces personnes pour en arriver là. On zappe la partie la moins glamour : celle de l’effort, la persévérance, la discipline, la constance, le découragement, les frustrations, les colères qui jalonnent le chemin. L’évolution pas à pas.
Sur le chemin, il y a bien sûr aussi des victoires, des moments de joie intense, de fierté, de gratitude, de jubilation, de plénitude, de vrais joyaux qui nous aident à garder confiance, à maintenir le cap, à continuer. On trépigne de bonheur, on se félicite, on se célèbre, yes, yes, yes !! et heureusement j’allais dire, sinon le chemin serait assez tristoune !
La fluidité est en effet un savant mélange de travail et de passion. Si cela n’était que du travail au sens de labeur, ce serait bien triste et pas assez porteur pour pouvoir continuer. J’entends plutôt le travail comme une cascade d’actions inspirées, des efforts qui font naître un certain contentement. La fluidité est aussi la résultante de la passion. Vous savez, ces heures passées à faire quelque chose qui nous plaît, qui nous enthousiasme, qui nous nourrit, qui nous fascine. Et on en oublie de manger, on oublie sa montre, on oublie tout le reste. Puis on « revient sur terre », on reprend conscience de notre environnement et on se rend compte que les heures ont passé alors qu’on pensait n’avoir passé qu’un court instant à notre tache.
C’est ce niveau de vibration qui nous permet d’accomplir de grandes choses avec facilité et avec le moins d’énergie possible.
Alors je dirai que si la souplesse vous préoccupe, commencez déjà à vous projeter ou à venir à votre cours de yoga avec enthousiasme et plaisir. Avant d’entrer dans une asana -une posture de yoga-, observez votre posture intérieure, prenez conscience de ce qui sous-tend votre attitude, votre intention.
Si c’est une obligation, laissez tomber. Nous ne sommes pas sur cette Terre pour souffrir ou nous imposer sans cesse des expériences qui ne nous motivent pas. Cherchez l’activité qui vous convient, qui correspond parfaitement à votre tempérament, à vos goûts, à votre personnalité. L’activité qui vous épanouira, qui vous donnera la pêche, dans laquelle vous rayonnerez. Essayez et voyez comment vous vous sentez en-dedans. Est-ce que lorsque vous ressortez de votre cours vous vous sentez énergisé, régénéré, serein, joyeux ??
Si vous venez vraiment motivé, mais que bon, vous avez cette image de vous n’étant pas souple, ne vous auto-limitez pas avec ça. Si ça se trouve vous aurez de bonnes surprises ! Faites-vous confiance et laissez les aprioris sur le seuil.
Et puis le yoga ce n’est pas toucher ses orteils avec ses mains, mais c’est profiter et s’amuser en chemin. C’est tout ce qu’on apprend pendant que l’on descend peu à peu vers nos pieds !
Peu importe le résultat, peu importe la performance. Même lorsqu’on y arrive, rien n’est jamais acquis. Il y a des jours où le corps est engourdi, où le corps ne veut pas et on n’y arrive plus. Qu’importe ! Et au contraire, cela nous remet sans cesse dans l’humilité, dans l’acceptation de nos limites d’aujourd’hui, dans l’indulgence, la gratitude malgré tout envers ce corps qui nous porte chaque jour, qui est notre enveloppe, notre véhicule pendant notre passage sur Terre. Pourquoi le violenter ? Pourquoi lui imposer de se plier, de s’étirer plus qu’il ne le peut à un moment donné ? Ce qu’il fait chaque jour n’est pas déjà un miracle en soi ? Toute sa subtile mécanique n’est pas suffisamment géniale ainsi ?
Au moment de nous lancer dans une posture, prenons le temps de réfléchir à pourquoi nous le faisons. Est-ce pour notre ego ? Pour nous prouver quelque chose, pour briller ? Ou est-ce simplement pour explorer notre potentiel dans le respect de ce qui se présentera sur un plan physique et émotionnel ? Dans l’accueil de ce que nous sommes à cet instant t et le respect de notre Être dans son ensemble ?
Chaque étape du processus est nécessaire. Tout sur le chemin est source d’apprentissage. Le yoga est avant tout une discipline qui permet d’accéder à une meilleure connaissance de soi.
Permettez-vous de ne plus vous juger et d’ouvrir cette porte sur vous, sur votre immensité et les trésors qui vous habitent, peu importe votre niveau de souplesse !